Changements climatiques: Wynne et Couillard font fausse route

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Philippe Couillard et Kathleen Wynne.
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Publié 01/05/2015 par François Bergeron

Le 24 avril, une semaine après le sommet des premiers ministres provinciaux sur les changements climatiques, Kathleen Wynne, première ministre de l’Ontario, et Philippe Couillard, premier ministre du Québec, ont réagi à un commentaire négatif du premier ministre fédéral Stephen Harper, en exprimant solennellement, dans une déclaration conjointe, leur espoir que «le Canada soit un chef de file dans ce dossier d’une importance essentielle».

Après le sommet de Québec, M. Harper a critiqué les taxes et autres bourses du carbone comme étant nuisibles, et il a laissé entendre que les cibles canadiennes en matière d’émissions de gaz à effet de serre, qu’Ottawa doit dévoiler cet été en prévision de la conférence internationale de Paris en décembre, seront probablement inférieures aux cibles américaines.

La déclaration de Kathleen Wynne et Philippe Couillard mérite quelques annotations, que voici (en caractères gras):

Wynne et Couillard: «La semaine dernière, en présence de chefs de file et d’experts internationaux, dont Christiana Figueres, secrétaire générale de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, nous étions présents lors du Sommet de Québec sur les changements climatiques où la vaste majorité des provinces et territoires étaient représentés.»

La diplomate costaricaine Christiana Figueres n’est pas une experte du climat: elle est anthropologue. Le dernier président du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, un comité de l’ONU), l’Indien Rajendra Pachauri, contraint récemment à la démission à cause d’une affaire de harcèlement sexuel, était ingénieur des chemins de fer. Ça ne signifie pas qu’ils ne comprennent rien à la science du climat, ni que d’autres profanes ne puissent pas en discuter intelligemment, mais qu’ils représentent ici la politique, pas la science.

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Quelques facétieux ont proposé la candidature de Judith Curry à la présidence du GIEC. La prof des sciences de la terre et de l’atmosphère au Georgia Institute of Technology témoignait le 15 avril aux audiences du Congrès américain sur les engagements du président Barack Obama envers les Nations Unies. Son blogue est devenu l’un des carrefours les plus dynamiques des débats scientifiques sur le climat.

Malheureusement, sa candidature au GIEC ne serait sûrement pas endossée par Obama, qui nie l’existence de tels débats. Toujours pour le fun, l’ex-météorologue Anthony Watts a d’ailleurs compilé sur son blogue 97 articles réfutant le soi-disant consensus de 97% des scientifiques sur un réchauffement dangereux causé par l’Homme.

Wynne et Couillard: «Onze premiers ministres, représentant plus de 85% de la population canadienne, ont émis une déclaration conjointe affirmant que l’instauration d’un prix carbone est une approche adoptée par un nombre croissant de gouvernements et que l’investissement dans la lutte contre les changements climatiques, notamment dans des domaines comme les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et la production d’énergie plus propre, présente un fort potentiel de développement économique durable et de création d’emplois à long terme.»

On peut souhaiter une transition vers des énergies renouvelables, une plus grande efficacité énergétique et des énergies plus propres pour d’autres raisons que celle, chimérique, d’influer sur la météo. Dans ce débat, le CO2 est faussement désigné comme un polluant (c’est l’air qu’on expire!), alors qu’il est essentiel à la végétation, et que l’effet de serre de ce gaz rare (0.04% de l’atmosphère) et de la vapeur d’eau (1%) est largement bénéfique à la vie sur Terre.

Bien sûr, toute transition d’un modèle économique à un autre détruit des emplois et en crée d’autres; c’est le solde qui compte. Pour l’instant, les énergies vertes sont lourdement subventionnées, détruisant plus d’emplois qu’elles n’en créent. On est encore loin de pouvoir se passer de pétrole et de gaz (et même de charbon dans un grand nombre de pays).

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Wynne et Couillard: «De toute évidence, la déclaration d’hier du premier ministre du Canada, Stephen Harper, selon laquelle les plans de réduction des émissions sont ‘conçus pour enrichir les gouvernements’, ne reflète pas la déclaration faite au cours du Sommet de Québec.»

Harper se montre délibérément obtus pour des considérations électoralistes. Wynne et Couillard embrassent la religion verte pour les mêmes raisons. Une taxe sert nécessairement à enrichir le gouvernement, il n’y a rien d’intrinsèquement sinistre ou vertueux là-dedans. Nos gouvernements devraient toujours rechercher l’équilibre entre la taxation qui finance des services publics essentiels et un fardeau fiscal qui décourage l’entreprenariat et la croissance (réduisant les revenus de l’État).

On veut aussi taxer ce qu’on ne veut pas (le tabac, certaines importations, le gaspillage d’eau ou d’énergie…) pour mieux subventionner ce qu’on veut (la culture, l’éducation, la santé, la sécurité…). Dans le cas d’une taxe sur les émissions de carbone ou, pire, du système opaque de plafonnement et échange, c’est un placébo: un remède imaginaire… ici contre une maladie elle aussi imaginaire.

Wynne et Couillard: «La population de l’ensemble du Canada et du monde s’inquiète du changement climatique. Elle s’inquiète de ce que cela va lui coûter et des dommages que cela cause à l’environnement. Tel qu’écrit dans la déclaration, le premier ministre du Canada devrait reconnaître que ‘les États de l’Arctique, dont le Canada, sont particulièrement vulnérables aux changements climatiques dont ils subissent les impacts de façon disproportionnée et que l’adaptation doit accompagner des mesures d’atténuation ambitieuses pour faire face aux effets des changements climatiques dans les régions nordiques du Canada’.»

C’est vrai que la population s’inquiète… parce qu’on lui fait peur. Le CO2 qui dérègle le climat, c’est le plus gros canular, la plus grande fraude intellectuelle des temps modernes, du même acabit que la vente des indulgences par l’église catholique au Moyen-Âge. C’est un détournement de fonds publics qui profite à une coterie de chercheurs, de diplomates, de chroniqueurs et de gourous nouvelâgeux.

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Et ça devient malsain pour la démocratie: les (très nombreux) scientifiques qui constatent que nous avons très peu d’influence sur le climat, et que celui-ci n’est pas déréglé de toute façon, sont muselés ou intimidés dans leurs universités, traités de négationnistes sectaires sociopathes à certaines tribunes. Or, ce sont plutôt les alarmistes qui inventent des conspirations (sur les pétrolières) et qui vivent dans le déni des causes naturelles des changements climatiques (le soleil, l’ocillation de la Terre, les océans, etc.), comme souvent aussi des causes de la prospérité et du progrès (la liberté, l’entreprenariat). Les politiciens, eux, vivent dans la hantise d’être accusés de ne pas se préoccuper d’un problème décrit par les grandes gueules comme le plus grave de l’histoire de l’humanité.

La raison peine à s’imposer dans la cacophonie des médias qui carburent aux mauvaises nouvelles (c’est normal et utile) et des gouvernements qui financent les recherches sur les plus gros problèmes (c’est normal aussi). Mais ça crée une «discrimination systémique» – pour employer un terme que je déteste – contre les bonnes nouvelles et contre les recherches moins sensationnelles. Sur la scène politique et dans l’opinion publique, on n’a jamais le beau rôle, surtout dans un dossier comme celui du climat, quand on dit que ne rien faire est la meilleure option.

Wynne et Couillard: «Le changement climatique fait déjà du tort à notre environnement. Il cause des phénomènes météorologiques extrêmes, comme des inondations et des sécheresses, et il nuit à notre capacité de cultiver des aliments dans certaines régions. À court terme, il fera augmenter les coûts des aliments et de l’assurance, nuira à la faune et à la nature et finira par rendre le monde inhospitalier pour nos enfants et nos petits-enfants.»

C’est de la mauvaise science-fiction. Il n’y a pas plus de tornades, d’ouragans, d’inondations ou de sécheresses qu’avant. Même si c’était le cas (je répète: ce n’est pas le cas), en attribuer la responsabilité au CO2 serait simpliste à l’extrême. C’est vrai que les désastres naturels coûtent plus cher de nos jours… parce qu’ils touchent des régions plus peuplées et plus développées que dans le passé. Si un arbre tombait sur ma maison à Toronto en 2015, ça me coûterait dix fois plus cher que s’il était tombé il y a 30 ans: à cause de l’évolution du marché immobilier, pas parce que les vents soufflent plus fort.

Wynne et Couillard: «Les gouvernements du Québec et de l’Ontario sont fiers du travail qu’ils ont déjà accompli pour lutter contre le changement climatique. L’an dernier, l’Ontario a fermé pour toujours ses centrales électriques à combustion au charbon. Il s’agit de la mesure la plus importante jamais prise en Amérique du Nord pour lutter contre les émissions polluantes des gaz à effet de serre.»

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Les centrales au charbon polluent à cause des particules toxiques et salissantes qu’elles dégagent (même si l’industrie, du moins en Amérique du Nord, a fait beaucoup de progrès pour les réduire). Elles produisent aussi du CO2, mais, sur le climat, les particules des centrales au charbon, comme les cendres d’un volcan, ont plutôt un effet de refroidissement, puisqu’elles bloquent les rayons du Soleil. Tout le contraire des gaz à effet de serre! Il y aurait d’ailleurs lieu d’attribuer à nos succès dans la réduction de la (vraie) pollution atmosphérique une (petite) part de responsabilité dans le (léger) réchauffement de la planète observé depuis 150 ans (même si ce réchauffement plafonne depuis 1998, contrairement à ce que prédisaient les modèles de l’ONU).

Wynne et Couillard: «Au Québec, un marché du carbone (système de plafonnement et d’échange) est au centre la stratégie gouvernementale visant à lutter contre le changement climatique. L’an dernier, le Québec a lié son marché du carbone à celui de la Californie par l’intermédiaire de la Western Climate Initiative (WCI), créant ainsi le plus important marché régional du carbone en Amérique du Nord. Et, tel qu’annoncé la semaine dernière, l’Ontario mettra en œuvre un système de plafonnement et d’échange et entend le relier au marché conjoint du carbone du Québec et de la Californie, une fois que l’Ontario aura développé les mécanismes de compatibilité et cohérence nécessaires. Cela rendra le marché du plafonnement et d’échange plus stable, minimisera les coûts de la mise en œuvre du système et fournira une approche cohérente aux émetteurs de gaz à effet de serre tant au Québec qu’en Ontario, ce qui représente une partie majeure de l’économie canadienne.»

Une simple taxe sur le carbone, comme en Colombie-Britannique, aurait suffi. Le système de plafonnement et échange est plus compliqué, moins transparent, vulnérable à la corruption par l’industrie et à la manipulation par les gouvernements. Certains secteurs énergivores (l’aluminium au Québec, l’automobile en Ontario) seront exemptés pour protéger les emplois… Beaucoup de bruit et de taxes pour rien.

Même ceux qui croient à un réchauffement de la planète exacerbé par l’industrialisation exhortent les pouvoirs publics à rejeter le système de plafonnement et d’échange au profit d’une taxe sur le carbone. Idem pour certains environnementalistes critiques de Naomi Klein et de son livre This Changes Everything: Capitalism vs the Climate.

Wynne et Couillard: «Le gouvernement de l’Ontario réinvestira l’argent recueilli par le système de plafonnement et d’échange d’une manière transparente dans des projets qui réduisent les émissions polluantes des gaz à effet de serre et qui aident les entreprises à demeurer concurrentielles. Il est évident que la lutte contre le changement climatique représente une possibilité de croissance économique pour des secteurs canadiens d’importance afin de réduire leurs coûts et de faire croître leurs exportations. D’ores et déjà, le Québec a réinvesti les revenus du marché du carbone dans des initiatives dont le but est de réduire les émissions de gaz à effet de serre et à aider les résidents et résidentes du Québec à s’adapter aux effets du changement climatique. Le Québec investira plus de 3,3 milliards $ à cet objectif d’ici 2020, ce qui contribuera à la croissance de son économie.»

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Autrement dit, les gouvernements de l’Ontario et du Québec vont écraser les entreprises de taxes et de contrôles, pour ensuite voler à leurs secours afin qu’elles résistent à la concurrence étrangère. On échange quatre trente sous pour une piastre, mais l’État prend sa cut. Donc on y perd au change.

Wynne et Couillard: «Nous croyons fermement qu’une bonne politique environnementale est une bonne politique économique. Mais, jusqu’à maintenant, presque tous les progrès que le Canada a faits en matière de changement climatique résultent de mesures provinciales. Une fois que le nouveau système de l’Ontario sera en œuvre, plus de 75% de la population du Canada sera couverte par une certaine forme de prix du carbone. L’Ontario et le Québec composent 62% de la population du Canada et, ensemble, forment la quatrième plus importante zone économique en Amérique du Nord avec un produit intérieur brut de plus de mille milliards de dollars. Lorsque nous travaillons ensemble, cela fait toute une différence. Les plans de réduction des émissions comportent d’importants avantages pour l’environnement, pour notre économie et pour les Canadiens et Canadiennes.»

Les avantages pour l’environnement, comme pour l’économie, sont très théoriques ici. Ces discours font exprès de confondre environnement et climat parce que nous voulons tous de l’air pur et de l’eau propre, une mission essentielle et à la portée de nos pouvoirs publics. Bien sûr, tout le monde souhaite aussi une météo clémente, mais on n’a pas de contrôle là-dessus. On peut améliorer les secours aux sinistrés et adopter d’autres mesures de prévention et d’adaptation, malheureusement avec moins de ressources parce qu’une partie des budgets de recherche et d’intervention sont alloués à la guerre fantoche au CO2.

Wynne et Couillard: «Aujourd’hui, nous profitons de l’occasion, tout comme l’ont fait la semaine dernière les 11 premiers ministres provinciaux et territoriaux dans la déclaration de la Ville de Québec, pour inviter le gouvernement fédéral à faire équipe avec nous dans le cadre d’un effort concerté afin d’élaborer une contribution ambitieuse pour le Canada en vue de la 21e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.»

Le Canada devrait participer activement à la conférence de Paris… pour dénoncer la campagne de peur du GIEC, en sortir les idéologues, remettre la vraie science au goût du jour, et réclamer de nos alliés qu’on s’occupe de problèmes plus urgents… les «vraies affaires» pour parler un langage que comprendra sûrement Philippe Couillard.

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J’ai écrit une dizaine d’articles sur ce débat depuis une dizaine d’années. Ce n’est pas une obsession, mais c’est devenu un des quatre ou cinq sujets d’actualité qui m’interpellent. Pour tout dire, je lis au moins une vingtaine d’articles par mois sur les changements climatiques et sur les débats scientifiques et politiques que cet enjeu suscite… mais pas parce que j’aime ça! Au contraire, c’est souvent technique et répétitif; ça me met en retard dans d’autres lectures plus plaisantes; je pourrais aller au gym plus souvent… Mais plus je lis là-dessus, plus je suis scandalisé.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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